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Expérience du Lieu
18 août 2004

6 : « lieu blanc », fusion



Blog5_LieuBlanc

"Il [le lieu blanc] ne se rapporte ni à la simple couleur, ni à la simple suppression des couleurs, mais à l'espace en général, à la mutité, au dépeuplement, aux lacunes définitives. Aux pures virtualités".

Georges Didi-Huberman, 2001, L’homme qui marchait dans la couleur, Minuit, p. 42.


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Blogs publiés :

< style="color: rgb(51, 0, 255);">5. Design du site
4. Hétérotopie
3. Principes de ce blog
2). Atopique, atypique : tombé dans la fable du Lieu
(1). Néblas : premier contact distant


Blog5_LieuBlanc <>Résumé :
Les premiers blogs se voulaient une mise à distance du Lieu, qu'on veut « atopique » (sans lieu précis pour ce site, qui le promeut comme Lieu). Le Lieu est foncièrement « hétérotopique » (un lieu « autre » selon la définition de Foucault). Quelques principes ont fixé
les bases de fonctionnement de ce blog, tant au point de vue des intentions, que du design vu comme un déploiement de « dispositions efficaces ». Le présent blog poursuit « l'invention » du Lieu en développement les modalités de la fusion : une première acception du « lieu blanc » peut ainsi être avancée.

Blog5_LieuBlanc


BLOG 6 :
« lieu blanc », fusion


Blog5_LieuBlanc

Néblas se cache aux importuns.

Il se fond sur une serre *1 d’un grandiose amphithéâtre,

Deux pistes de flanc y mènent.

Jusqu’au dernier moment,

Par le jeu de versants en festons,

Aucun de ses murs n’est visible,

Dissimulés par des glacis *2

Au-dessus de la limite supérieure du mélézin

Jamais place forte ne s'était autant fondue dans la nature.

Nul rempart crénelé,

Nul hardi donjon en débord.

« Voir sans être vu »,

Telle semble être sa devise poétique *3.

qui contribue au sentiment de désertude et d'étrangeté.

Forteresse privée d'ombre.





Lieu du coeur personnel, Néblas relèverait de la catégorie des lieux génériques :

« Le lieu susceptible d'offrir cette image n'est pas unique. Au contraire, si la dualité des échelles signifiées existe, c'est précisément en vertu du caractère quasi ubiquiste de la forme à l'échelle du territoire. Son identité s'efface derrière la forme générique à laquelle il appartient, tout comme le livre évoque la bibliothèque parce qu'il est l'élément de base dont elle est constituée. Convenons d'appeler cette forme un lieu générique ».

Bernard Debarbieux, « Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique », L'Espace géographique, 1995, p. 97-112, p. 99.


S'attacher à promouvoir une esthétique du dévoilement-effacement, c'est suivre d'abord Emmanuele Tesauro (note 3, glossaire 3) pour qui, l'image "est une création pure de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports de deux réalités seront lointains et justes, plus l'image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique".


Trois parentés obliques s'associent ici pour un concept, la fusion,

  • la montagne, une serre,

  • le chaton plat d'une bague précieuse, la forme dans sa circonscription quadrangulaire, elle ressort d’une anatomie, puisque la montagne a été ouverte (les « facettes » évoquée ci-dessus), puis remblayée une fois le glacis, la douve sèche et le fort établis,

  • et enfin le caractère organique de la dissimulation du fort, l’enchâssement, comme poétique.


« Un stratège doit tirer le meilleur parti de son caractère distant ou rapproché, en contrebas ou surélevé, accessible ou accidenté, à découvert ou resserré (…) Quelque soit l’aspect de la situation, le caractère coercitif de la situation peut et doit jouer dans les deux sens : à la fois positivement, en entraînant ses propres troupes à investir toutes leurs forces dans l’offensive ; et négativement, en privant les troupes ennemies de toute initiative et en les réduisant à la passivité. Si nombreuses qu’elles soient, celles-ci ne seront plus en mesure, compte-tenu du che, de résister ».

Huainanzi, chap. XV, p. 261, in François Jullien, La propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine, Seuil, « Essais », p. 22.


Ainsi, la partie est à la fois entité et dépendance d’un Grand Tout via une qualité, l’enchâssement, qui en est le principe, modèle intelligent (archê).

Se conjuguent donc ici, « la convenance du tout (pulchrum), qui est conformité d’un objet à ce qu’il doit être (eidos), et la convenance de la partie (aptum), qui est la convenance d’un objet à un autre auquel il est relié. L’une est la convenance d’une forme à sa norme, l’autre la convenance d’une forme à ce quoi elle doit s’intégrer » (François Jullien, De l’essence ou du nu, Seuil, 2000, p. 115).


C'est bien dans ce retirement des limites (enchâssement, une des formes de la dissimulation) que le Lieu devient « lieu blanc » au sens de Didi-Huberman. Il produisit sur nous un dessaississement, un blanc au sens de blank. Le lieu devenait une hantise par le biais d'une sorte de persistance rétinienne.


Longtemps, je me revois avoir le regard capté
par la façade moussue et chevelue de front de gorge, qui frissonnait sous les assauts du vent. De retour dans le monde, je n'avais de cesse que de retourner contempler son image (visage ?) sur l'écran du PC...


Après les vues distantes (frontalité lointaine : blog 4,« Hétérotopie », verticalité : ce blog 6), le prochain blog se décalera vers le Lieu, image rétinienne rémanente. Cette expérience de la limite témoignera d'une perte, d'une absence, que l'imagerie devra assumer comme dé-présentation *4.



Blog5_LieuBlanc <>Esthétique
Comment représenter une esthétique du disparaître ?

Pareille aporie ne pouvait trouver son poros, sa solution que par affranchissement de la condition humaine d'étant pédestre. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’avoir dévoilé le Lieu en le transmutant en or. Il émerge de brumes alanguies, mais ne sort pas encore totalement de sa réserve (patience, cher Lecteur, faisons connaissance…). C’est sans doute aussi - paradoxalement - pour le patrimonialiser « à ma façon » de manière distante (souhaiterais-je vraiment qu'il soit consacré comme haut lieu *5 ? On peut en douter : on pourra relire ce qu'en dit notre ami Viou : Néblas : premier contact distant).


Toute la difficulté était de mettre en image ce concept de fusion montagne/forme/enchâssement. On a joué sur la modalité de superposition des calques sous Photoshop afin de conférer une radiance au Lieu, personnage principal de ce site. De vestige, le Lieu est ostensiblement promu joyau. L'oeil est ébloui. Image déférentialisée, elle incarne, non une stratégie du faux, mais la mise en avant d'un pôle de la vision, l'attraction. L'autre volet en est la déréliction, la répulsion, la peur, l'horreur, l'immonde, la disparition, la mort.


On se souvient sans doute de ce traité vénitien sur la peinture, rédigé à la fin du XVI è siècle par Antonello. La couleur, sans cacher le dessin (car elle lui est subordonnée), « peut mettre le disegno *6 au secret » (Maurice Brock, 1987, p. 28, voir *2 du glossaire). La présente image participe de cette tentative de retrait par la colorisation et la vision d'Argos, peu habituelle au « passager du vent », qu'est le randonneur.


Blog5_LieuBlanc

GLOSSAIRE 5 


*1. Serre : "Echine, relief vigoureux et allongé (étym.: serare, qui ferme, protège, comme dans servir). Particulièrement interfluve à fortes pentes dans les Cévennes". Roger Brunet, R. Ferras, H. Théry, 1992, Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, RECLUS- La Documentation française, p. 409.

*2. Glacis : « talus incliné qui s’étend en avant d’une fortification »(Le Robert). »Du bord au sommet du fossé. Nous devons toujours veiller à ce que le bord monte à une telle hauteur qu'il couvre toujours les flancs des bastions (...), qu'il aille en s'abaissant si doucement vers le glacis que l'oeil perçoive à peine cette pente ou déclivité, qu'elle soit telle que l'eau s'écoule toujours vers le glacis, que le bord soit nivelé de façon que d'un bout à l'autre depuis les défenses on découvre ( = batte) le glacis dans sa totalité sans qu'il y reste rien de caché », Maurice Brock, 1987, « Le secret du disegno dans la peinture et dans l'art des fortifications à Venise au XVIè siècle », p. 17-30, Le secret, P.U. de Lyon, Ed. Du CNRS, p. 24.

*3. Poétique : productrice en vue d'une fin (ici, la dissimulation).

*4. Dé-présentation : Convenons que l'image en général, la photographie est la présentation (matérielle pour une photographie) d'une absence (re-présenter). Alors, la dé-présentation serait paradoxalement la représentation qui met en jeu la problématique polymorphe de la perte, tout en conservant la possibilité de s'arrêter sur une image matérielle. L'image numérique tentera de servir de médium à l'indicible... Voir Christelle Reggiani, « Perec : une poétique de la photographie », Le cabinet d'amateur, http://www.cabinetperec.org/articles/reggiani/reggiani.html


*5. Haut lieu : « un élément d'un système d'expressions territorialement matérialisées d'un système de valeurs », Bruno Debarbieux, in Pierre Gentelle, 1995, « Haut lieu », L'Espace géographique, N° 2, p. 135-138. Le géographe Pierre Gentelle caractérise ainsi le « haut lieu » : distinction, idéologie, échelle, excellence, centralité et « altitude », proximité du Ciel, mise en scène de l'héroïsme, regard vers l'avenir ou le cosmos, concentration, accès, le sacré et le mythique, haut lieu pour moi, haut lieu pour moi, syncrétisme moderne, prestige et vestige. Voir aussi Mario Bédard, 2002, « Une typologie du haut-lieu, ou la quadrature d'un géosymbole », Cahiers de Géographie du Québec, volume 46, numéro 127, avril 2002, ww.ggr.ulaval.ca/cgq/textes/vol_46/no127/Bedard.pdf

*6. Designo : dans l'art de la Renaissance, ce terme n'était pas seulement le dessin, mais aussi comme «le « projet d'attaque militaire de la part de l'ennemi » et de « projet de tracé d'une enceinte fortifiée » (Maurice Brock, 1987, voir note 2 supra)






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