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Expérience du Lieu
30 janvier 2005

16 : Regards sur... "Décalages" (.)


 

"Modalités des passages"


Décalages, Pastel, détail, Xpl

(.)

Dans les solitudes neigeuses, bien loin au-dessus de la vallée des hommes,
on doit, les nuits d'hiver, entendre les hurlements des loups et du vent
qui
s'engoufrent par le vieux porche de Néblas.

Mais ce n'est peut-être que le fort qui, dans son langage de pierre,
se
récite un vieux quatrain  de Ronsard :

" Je te salue, ô vermeillette fente,
Qui vivement entre ces flancs reluis ;
Je te salue, ô bienheureux pertuis,
Qui rend ma vie heureusement contente! "

Viou,
31 janvier 2005



(.)

« la clôture n’est plus uniquement l’antithèse de l’ouverture mais qu’elle fonctionne également comme l’ouverture d’un infini au sein d’une forme finie. La notion de clôture est donc ambiguë puisqu’elle peut être, dans un même temps, une chose et son contraire ».
Sophie MASSÉ, 1996, « La clôture comme ouverture d’un infini dans Midnight’s Children », Études Britanniques Contemporaines, n° 10, Presses universitaires de Montpellier,
http://ebc.chez.tiscali.fr/ebc104.html 


« L'image photographique contient pour beaucoup encore la promesse d'une vérité, fut-elle masquée, codée ou pervertie. Pourtant, ce que l'on a appris au fil des études ici publiées, au travers de méthodes et d'objets singuliers, c'est précisément que les photographies ne mentent ni ne disent la vérité. Ni plus ni moins que d'autres, ces images sont des représentations, c'est-à-dire des objets construits, inséparables de leurs usages et de leurs lectures, des lieux de projection des fantasmes et des idéologies, où la vérité n'est qu'une élaboration possible, une fiction de plus ».
André GUNTHERT et Michel POIVERT, 2001, « Laboratoire du photographique », Études Photographiques, n° 10, Novembre 2001, http://etudesphotographiques.revues.org/document291.html

(.)



Blogs publiés :

15 : Des passages IV : estrangement
14 : Des passages III :  accueil
13 : Des passages II : thébaïde
12-12 bis. Des passages I : décadrages
11. De l'identité du site
10-10 bis. Panoptique ?
9. De la circonstance : du Lieu au monde
8. "lieu blanc " : le blank II (apostille obligée au blog 7)
7. "lieu blanc" : le blank
6. " lieu blanc " : fusion
5. Design du site
4. Hétérotopie
3. Principes de ce blog
(2). Atopique, atypique : tombé dans la fable du Lieu
(1). Néblas : premier contact distant

(.)



Résumé :


Les dix premiers blogs se voulaient une mise à distance du Lieu, qu'on veut « atopique » (sans lieu précis pour ce site, qui le promeut comme Lieu). Le Lieu est foncièrement « hétérotopique » (un lieu « autre » selon la définition de Foucault). La démarche est axée sur une esthétique et le dévoilement progressif d'un interstice social. Au seuil du Lieu, le blog 12-12 bis inaugurait une série sur la problématique des passages. Le dernier blog (Blog 15 : des passages IV : estrangement) poursuit la traversée des passages et réfléchit à la concrétude du Lieu dans un endroit « fort », le porche, qui implique pour le hors-venu un quasi rite de passage. On s'intéresse à l'individuation du Lieu : un vieux fort devenu moutonnier. Enfin, la section « Esthétique » cherche comment suggérer une représentation de l'intervalle à partir d'une image faussement panoramique  (« Décalages ») inspirée par Janus, le dieu des passages et des portes.

Le présent blog « 16 : regards sur... » travaille la dialectique de l'ouverture et de l'ouverture : notre ami Viou porte un regard équivoque sur l'image en quatre (« Décalages ») en réponse à l'ultime phrase du dernier blog : « point besoin de discourir... Les choses tendent d'elles-mêmes à dire les choses... ». Il interroge le statut de l'image, particulièrement la prime image - la première, celle qui prime - et s'inscrit dans une logique de l'œuvre ouverte. Qu'il soit ici remercié pour son limen poétique et la finesse de son style.

(.)


Blog 16 : Regards sur... "Décalages" (.)



« Décalages »



La rubrique « Esthétique » du blog 15 s'échevait laconiquement sur ces deux phrases à propos de l'image en tête de blog « Décalages » :

« Les quelques mots jetés en tête de ce blog (« vision-division ») ont valeur d'explicitation : point besoin de discourir... Les choses tendent d'elles-mêmes à dire les choses... ».

Pour notre ami Viou, cette conclusion-clôture laconique avait manifestement valeur de provocation (note 1) au sens 2 que donne WordNet (note 2). Il a eu la grande amabilité de réagir à l'image en quatre (« Décalages ») incrustée dans un texte libre. Qu'il soit remercié ici vivement pour cette ouverture, qui comble un vide.

Il ne lui a pas échappé, que la photographie, en tant que témoin muet sur lequel « il n'y a rien à ajouter » dit Rosalyn KRAUSS (note 3) échappe au statut autoréférentiel*. J'aime assez sa surprise, voire sa perplexité au sens premier du latin plectere, devenu second dans l'évolution de la langue : un travail de tissage (des sens possibles ) telle une araignée, occupée à tramer sa toile dans le vide.

Ce blog 16 livre son texte intégral comme « appel à la voix ». Le prochain blog poursuivra cette exploration autour du regard en tant que « provocation of vigorous investigation » (sens 3 de Word Net).





"Petit bout" (
prime image)



(.)

26 janvier 2005

« Mon cher XPL, 

N’ayant pas manqué d’être quelque peu surpris par l’image en quatre éléments de ton blog 15, je te fais part des quelques réflexions qu’elle m’a inspirées. Je te les livre de façon un peu brute, sans ordre ni dessein, au gré de mon esprit qui se plaît à folâtrer autour de cette construction photographique un peu « estrange ».

Le lecteur habitué à nager dans les eaux troubles de ton weblog saisit d’emblée, et à plus forte raison s’il a une infime connaissance des lieux, qu’il s’agit là d’un montage à partir du porche d’entrée du vieux fort et d’une faille saisie au sommet de la voûte.

Mais la réalité s’échappe très vite et le regard est comme aspiré par ces lèvres de pierre. On songe immanquablement à une image de la féminité surprise dans le secret de son intimité. Pire, on lui trouverait presque, tant l’apparition est brutale et saisissante, comme un érotisme exacerbé, aux limites de la pornographie.

Qui se cache ainsi dans les replis pétrifiés de la muraille ? Qui semble nous inviter à vouloir glisser notre oeil ou notre imagination derrière le voile obscur tendu entre les renflements plissés de la roche ?

Est-ce Néblas qui, comme médusé soudain par son austère majesté, veut gommer sa sévère et puissante virilité en nous révélant son caractère androgyne et assurément insoupçonné ?

Est-ce le photographe qui, apportant la lumière à travers le porche, voudrait nous éclairer ou s’éclairer lui-même, tel un gynécologue s’apprêtant à fouiller de son regard scrutateur des entrailles jusque là défendues ?

Dans ce monde des bergeries d’altitude où la masculinité galvanise les relations, a-t-on ressenti soudain le besoin d’adoucir les mœurs par une touche de féminité ?

A moins que des hommes, courbés sous le fardeau de la solitude, n’aient voulu à leur manière retrouver l’Origine du Monde*.

Peut-être est-ce tout simplement le fort qui, dans le délabrement de sa vieillesse, comme un soldat blessé sur le front, vient dans son agonie lancer un dernier et pathétique appel de détresse vers le lointain souvenir de la mère perdue, comme s’il voulait rebrousser chemin, revenir en franchissant le rideau des voiles défendus vers le bonheur des années d’autrefois. Mais la Gorgone du temps a accompli sa sale et ignoble besogne. Il n’y a plus que la douleur. Celui que l’on qualifiait  du beau nom d’ « Amer dans les brumes »  n’était peut-être  qu’un a-mère… dans le brouillard de sa vie déclinante…

Bien à toi en ce soir de janvier balayé par les bourrasques de l’hiver.

Viou »


(.)

Notes :

Note 1 : Selon WordNet, la « provocation » a trois sens :
1. aggravation, irritation, provocation (unfriendly behavior that causes anger or resentment)
2. incitement, incitation, provocation  (something that incites or provokes; a means of arousing or stirring to action)
3. provocation, incitement  (needed encouragement; « the result was a provocation of vigorous investigation »)
http://www.cogsci.princeton.edu/cgi-bin/webwn?stage=1&word=provocation

Note 2 : WordNet est un système de référence lexical en langue anglaise inspiré par les théories psycholinguistiques de la mémoire lexicale. Il a été developpé en ligne par le « Cognitive Science Laboratory » de l'Université de Princeton sous la direction du professeur George A. Miller.
http://wordnet.princeton.edu/ pour la présentation du projet
et http://wordnet.princeton.edu/cgi-bin/webwn pour la recherche en ligne


Note 3 : Rosalind  KRAUSS, 1990, Le photographique, Macula, p. 12.


(.)



Glossaire :

Autoréférentiel : Qui renvoie au référent, autrement dit à la certitude tranquille que la photographie nous transmet la véritable image des choses,  une reproduction fidèle de la nature. 

Dès l'invention de la photographie, contre l'attitude de ses contemporains qui volontiers confondaient photographie et art contre la peinture, expression première de l'art, Baudelaire écrit : « Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d'exactitude (ils croient cela, les insensés !), l'art, c'est la photographie. A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s'empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil. D'étranges abominations se produisirent. En associant et en groupant des drôles et des drôlesses, attifés comme les bouchers et les blanchisseuses dans le carnaval, en priant ces héros de vouloir bien continuer, pour le temps nécessaire à l'opération, leur grimace de circonstance, on se flatta de rendre les scènes, tragiques ou gracieuses, de l'histoire ancienne. Quelque écrivain démocrate a dû voir là le moyen, à bon marché, de répandre dans le peuple le dégoût de l'histoire et de la peinture ».
Charles BAUDELAIRE, Salon de 1859, Œuvres Complètes, Éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1968

Contre la conception mécaniste et positiviste de la photographie se sont développés la « photographie pictorialiste » au tournant du XX è siècle, le cercle du surréalisme, puis de la photographie conceptuelle dans le Paris des années 1970 et 1980 (Boltanski, Gerz, Rousse, etc.), de la photographie des réalités artificielles (Blume, Brus, Demand, etc.), de même que des pratiques actuelles du travail numérique sur la photographie qui donne naissance à des images inclassables entre peinture et photographie.


L’Origine du Monde :  Célèbre huile sur toile de Gustave COURBET, 1866, H. 0,46 ; L. 0,55 m, Paris, musée d'Orsay,
Entre autres, consulter « L'Origine du monde. Autour d'un chef-d'oeuvre de Courbet »,
http://www.musee-orsay.fr/ORSAY/orsayNews/Program.nsf/0/017437a230b07463c125689d005542aa?OpenDocument
On apprécie la subtile homophonie référentielle dont fait preuve Viou : « A moins que des hommes, courbés [Courbet] sous le fardeau de la solitude, n’aient voulu à leur manière retrouver l’Origine du Monde* ». A la toile originale convenue, on préférera l'opportune résine minérale d'un sculpteur marseillais contemporain, Jean LEPRÊTRE.


L'origine du monde, Jean LEPRÊTRE, Résine minérale, pièce unique , 65 x 80 cm
http://jeanlepretre.free.fr/oeuvres.html 

(.)


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