4. Hétérotopie
« Il
y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans
toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des
lieux qui ont dessinés dans l'institution même de la
société, et qui sont des sortes de contre-emplacements,
sortes d'utopies effectivement réalisées dans
lesquelles les emplacements réels, tous les autres
emplacements réels que l'on peut trouver à l'intérieur
de la culture sont à la fois représentés,
contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont
hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement
localisables. Ces lieux, parce qu'ils sont absolument autres que tous
les emplacements qu'ils reflètent et dont ils parlent, je les
appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies » (nous pointons)
Michel FOUCAULT, Dits et écrits 1984, "Des espaces autres" (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967), Architecture, Mouvement, Continuité, n " 5, octobre 1984, pp. 46-49.
Voir
http://foucault.info/links/documents.html
Note : ce blog inaugure l'inclusion d'une imagerie néblassienne, annoncée par le blog précédent. Merci au Lecteur d'avoir bien voulu patienter jusque-là...
Faut oser squatter cet endroit !" lança un randonneur, père de famille, en regardant le fort de Néblas (juillet 2004).
La « montagne » de Néblas au sens pastoral, quoique estive banale au sens de propriété communale, a permis la mise en place d'un dispositif spatial "autre", enraciné dans un lieu, le fort, où le fonctionnement banal de la société n'a pas court. Les néo-résidents du fort ont une existence saisonnière (de fin Juin à la fin Octobre) que le philosophe Canguilhem aurait dénommée - sans la dépréciation normative - "anomale", autrement dit inattendue, insolite...
Il nous faut explorer cette anomalité et la constituer en une hétérotopologie ou « description des hétérotopies », dont Foucault a brossé les principes. On lassociera aussi à la notion de « lieu blanc » (Georges Didi-Huberman) particulièrement pertinente et complémentaire.
On retiendra parmi les définitions de Foucault, celles qui semblent saccorder à notre objet « Néblas » avec les pistes, qui pourraient faire autant de devises (voir Glossaire 3). Ce sont autant de jalons, de bornes milliaires, sur les chemins de traverse quon cherchera à emprunter au double de sens de :
Ouvrir une route nouvelle, une via rupta, pratiquer une anatomie au sens premier,
Prendre ailleurs et faire siennes des idées autres, au gré de lectures nouvelles, qui nourriraient notre intuition face à linapparent. Lacte de penser dun dehors est une décision stratégique.
On ne doit pas considérer ce plan comme une clôture, qui saccorde mal avec les caractères « autres » du Lieu et de notre « ligne de fuite » (voir Glossaire du blog « Atopique, atypique : tombé dans la fable du Lieu ») :
« Un plan, cela sappréhende de haut, comme dans le jeu déchec ou comme lorsque nous cherchons un trésor à laide dune vieille carte. Mais, ici, nous sommes à même le lieu de cette uvre : nous adhérons trop à sa nouveauté pour en prévoir lenjeu, la fin. Tant mieux. Cela nous obligera à éprouver notre regard dans son temps réel, qui est le temps de la surprise, du dessaisissement et, donc, à ne pas préjuger trop de ce que nous y verrons »
Georges Didi-Huberman, 1999, La demeure, la souche. Apparentements de lartiste, Minuit, p. 11
Dautant que notre idéal du blog, à linstar de lécriture en Chine, est basée sur une obliquité discursive :
« lidéal du wen est le plus souvent celui dun texte détendu, « lâche », ondoyant, qui ne cherche pas à serrer un objet, mais en maintient la pregnance. Car un discours explicite est un discours clos, dont lachèvement ne laisse plus rien à attendre, et qui, par conséquent, est stérile.Tout est dit, et cest fini ( )
François JULLIEN, « Penser dun dehors », Le Débat, N° 91, sept-oct. 1996, p. 167.
Enfin, plusieurs éléments esthétiques manquent : laissons-leur le temps et le lieu dapparaître
Quelles sont les mailles du dispositif de lhétérotopie défini par Foucault, qui ont été retenues ici ?
Un dispositif borné
« Les hétérotopies supposent toujours un système d'ouverture et de fermeture qui, à la fois, les isole et les rend pénétrables. En général, on n'accède pas à un emplacement hétérotopique comme dans un moulin. Ou bien on y est contraint, c'est le cas de la caserne, le cas de la prison, ou bien il faut se soumettre à des rites et à des purifications. On ne peut y entrer qu'avec une certaine permission et une fois qu'on a accompli un certain nombre de gestes ».
Circonscription
Une hétérotopie de crise ?
« c'est-à-dire qu'il y a des lieux privilégiés, ou sacrés, ou interdits, réservés aux individus qui se trouvent, par rapport à la société, et au milieu humain à l'intérieur duquel ils vivent, en état de crise. Les adolescents, les femmes à l'époque des règles, les femmes en couches, les vieillards, etc ».
Lieu de (Re)Pli et approche mineure au sens de Deleuze, Backdoor (Porte dérobée, Trappe arrière), un interstice de mobilité au sens de larchitecte et urbaniste Stéphane Tonnelat, une hétérotopie de transgression ? (« heterotopie of crossing » du Gruppo Ulysses)
Des emplacements incompatibles
« L'hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles ».
Casemate-cabanon, Camp, Aridité
Une hétérochronie
« Les hétérotopies sont liées, le plus souvent, à des découpages du temps, c'est-à-dire qu'elles ouvrent sur ce qu'on pourrait appeler, par pure symétrie, des hétérochronies ; l'hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel »
« Exfermés », lété/Léthé 2002, Deaden
Pas de Glossaire 4